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Un deuil de plus, toujours un deuil de trop.

Il y a deux matins Henri s'en allait à 91 ans passés… quelques jours plus tard c'est Robert qui nous laissait orphelin des témoins acteurs de la Résistance et de la Déportation après 93 ans de lutte !

Mais hier c'est un Ami de 59 ans qui nous a quittés. Jean-Pierre était arraché à notre compagnie par la maladie ; et nous étions tous également tristes en l'accompagnant en ce matin d'automne à Vichy pour son dernier voyage. Parmi les Amis de la Résistance, il était de ceux qui savaient pourquoi il est si important de perpétuer la mémoire de celles et ceux qui ont su lutter au prix de leur vie pour la liberté… si important de militer pour que les valeurs républicaines, l'égalité et la vraie fraternité -qui n'est pas la compassion pleurnicharde qu'il ne supportait pas- aient encore droit de cité.

Compagnon de combat des luttes politiques ou syndicales, camarade et ami pour la vie, Jean-Pierre ne laissait percer aux yeux de la plupart qu'une petite parcelle de ses talents et de sa fortune de pensée. Sa discrétion et sa modestie n'avaient d'égal que l'intensité de son engagement et de son dévouement à la cause commune. Famille, amis et camarades trouvaient toujours auprès de Jean-Pierre la disponibilité, l'attention et le soutien sans calcul, souvent même trop oublieux de lui-même.

Issu d'une famille modeste de notre campagne, l'instituteur qu'il était devenu était passé, comme beaucoup à cette époque, par « l'ascenseur social » de l'Ecole Normale, dans une génération qui donnait de la couleur et de l'épaisseur à l'engagement de service public. C'est une passion dévorante pour son métier qui l'a toujours animé et qui rendaient les échanges qu'on pouvait avoir avec lui sur le thème de l'éducation d'une extraordinaire richesse. Ses élèves, leurs parents comme ses collègues  ne risquent pas de l'oublier.

Tous ceux qui l'ont côtoyé garderont au coin des lèvres le sourire des bons moments de la vie partagés avec lui, des parties de pétanque acharnées, parties de pêche ou apéro-philo, des longues discussions riches et passionnées  autour d'un verre, des fêtes et des chansons… Jamais rien ne lui fut indifférent, et notre mémoire commune fourmille d'une multitude d'anecdotes, toutes témoignant de l'investissement de Jean-Pierre dans tout ce qu'il touchait. Il m'en reste parmi tant d'autres que nous nous rappelions parfois comme des petits cailloux blancs jalonnant notre chemin partagé depuis l'enfance… Ce fut aussi le voyage d'Orléans à Paris quand nous avions quitté le congrès du syndicat des instituteurs pour faire naître en quelques jours le SNUipp et l'installer dans le département dès notre retour. Précurseurs de la FSU, avec une belle compagnie de syndicalistes rebelle à la collusion nous avions rêvé si fort que la réalité s'est faite…  Quelques temps plus tard, lors d'une de nos nombreuses manifestations parisiennes nous étions montés tous les deux avec l'Express verte archi pleine de fromage blanc paysan et de vin de Saint Pourçain dont nous avions fait commerce dans la manifestation afin de gagner quelques sous pour soutenir la trésorerie de notre syndicat naissant… Notre stock n'avait pas fait long feu ! Mais Jean Pierre n'était plus très rassuré au moment de quitter les grands boulevards en fin de manifestation quand nous avions dû franchir des cordons de CRS patibulaires… qui devaient soulever les chaines des barrages en curieuse haie d'honneur pour nous faire passer ! Une autre fois, revenant d'une manifestation pour la paix, la discussion était si vive dans la voiture que nous nous étions trompé d'autoroute et que notre retour nous fit passer par l'Anjou pour regagner le bourbonnais… très tard dans la nuit !

… sans compter notre participation au congrès d'Agen d'où nous étions revenus en dessinant tout au long de la route les grandes lignes de la participation de notre comité local au Mémorial de la Résistance. Il ne sera plus là quand nous en achèverons quelques réalisations à l'été prochain.

Au Comité local de l'ANACR Meillard-Le Montet, avec Jean-Pierre, notre association ne perd pas seulement un secrétaire dévoué et un militant efficace ; c'est un vrai passeur de mémoire qui nous quitte, un homme qui savait servir l'histoire parce qu'il mesurait  parfaitement l'exigence de son devoir de mémoire.

Jean-Pierre est parti ; son souvenir nous reste, nous ne l'oublierons pas.