Photo « Le Souvenir Français », comité de Vichy.
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Allemands fuyant le nazisme dans les années trente, républicains espagnols chassés par le franquisme, Juifs d'Europe centrale et orientale victimes de l'antisémitisme, ceux qui croyaient en une France démocratique et accueillante se sont retrouvés piégés lorsque le régime de l'Etat Français de Pétain, ses lois liberticides et la politique de collaboration se sont mis en place à partir de juin 1940. Certains d'entre eux ont continué leur combat au sein de la Résistance, dans des réseaux ou des mouvements comme les MOI (Main d'Oeuvre Immigrée), souvenons-nous du destin tragique du groupe Manouchian. L'histoire des maquis révèle en outre l'apport déterminant des agents britanniques du SOE dans les techniques de combat et la stratégie de la guerre de l'ombre. D'origines, de religions, de cultures diverses, ces hommes et ces femmes avaient en commun un idéal de liberté, de justice, de fraternité. Ils ont choisi la voie de l'action et souvent du sacrifice suprême. Ils ont démontré que les valeurs pour lesquelles ils se battaient étaient universelles et qu'elles ne connaissaient pas de frontières et ,à ce titre, ils méritent de figurer dans le grand livre de la Résistance et de voir leur mémoire honorée. C'est le cas par exemple du Résistant allemand massacré par des SS au château de la Croix de l'Horme à Billy le 5 août 1944, jour où furent aussi exécutés quatre gendarmes et un sous-officier d'aviation au carrefour des Clavettes. C'est aussi le cas d'un personnage exceptionnel, le commandant Georges Aubrey, inhumé dans le cimetière de Creuzier-le-Vieux.
Malgré son patronyme sonnant bien français, et le lieu de sa sépulture, Georges Aubrey était un citoyen américain, né en 1893 dans l'état du Massachussets. Ses études lui permettent de devenir officier dans l'armée américaine, et il fait partie des troupes envoyées en Europe pour aider les pays de l'Entente à vaincre l'Allemagne et ses alliés. Il fait preuve de bravoure en étant blessé plusieurs fois, notamment lors de la bataille de Saint-Mihiel en septembre 1918, ce qui lui vaut plusieurs décorations et une promotion au grade de commandant au moment de sa démobilisation. Il choisit alors de rester en France, épouse une française en 1919, retourne quelques temps aux Etats-Unis et revient définitivement à Paris en 1921. Il s'implique alors activement au sein de l'American Legion, qu'il dirige à partir de 1939. La guerre le pousse à nouveau à l'action, il anime des émissions de propagande anti-nazie sur les ondes de Paris Mondial Radio, ce qui le met en danger quand les Allemands occupent la capitale à partir de juin 1940. Directement menacé, il choisit de partir avec son fils Norbert s'installer à Saint-Amand-Montrond. Il y organise un maquis dont les missions sont de rester en contact avec les Britanniques, aider les hommes qui veulent rejoindre les Français libres en Afrique du Nord et gêner les déplacements des troupes allemandes.
Le 6 juin 1944, l'annonce du débarquement des Alliés en Normandie pousse les Résistants de la région de Saint-Amand -Montrond à s'emparer de la ville tenue par les Allemands et la Milice. Les hommes du maquis Surcouf de Georges Aubrey participent activement à ces opérations. La Résistance tient la ville durant trois jours, mais la répression allemande est terrible dès le 8 juin. Venus de Moulins et précédés de parachutistes, les hommes de la brigade Jesser accompagnés de miliciens sèment la terreur, mitraillant tout ce qui bouge, maquisards et civils. Six immeubles sont incendiés, vingt-trois personnes trouvent la mort. Le commandant Aubrey et ses hommes se replient plus au sud, à environ 80 kilomètres, dans le département de la Creuse pour y poursuivre la lutte dans un autre maquis. Les affrontements avec les troupes allemandes sont fréquents, ceux-ci menant une chasse acharnée aux résistants qui les harcèlent.
Le 18 juillet 1944, une section de l'armée allemande arrive à Bétête, un petit bourg de la Creuse, et des embuscades sont dressées à chaque entrée du village. En début d'après-midi, à la jonction des routes allant vers Nouzerines et Boussac, une traction avant arrive sans avoir repéré les sentinelles. Elle est conduite par le commandant Aubrey, avec à sa droite l'aspirant Guy Esmoingt, et à l'arrière le « lieutenant Ely », un Polonais et une femme, tous membres du réseau « Surcouf », unité AS du Cher. Lorsque les maquisards s'aperçoivent du piège, ils tentent de faire demi-tour, Esmoingt tire sur les Allemands mais ceux-ci répliquent par un feu nourri, la voiture s'immobilise sur le bas-côté. Le commandant Aubrey est achevé à bout portant, non sans avoir pu dissimuler dans le fossé des plans de parachutage ,l'aspirant est abattu dans sa fuite, « Ely » et le Polonais réussissent à s'enfuir, Madame Nicolas est emmenée à la Gestapo mais sera relâchée le lendemain. Les deux victimes de cette fusillade sont inhumées le lendemain dans un caveau à Bétête ; en 1948, le corps de Georges Aubrey est exhumé et transporté à Creuzier-le-Vieux, dans le tombeau de famille.
Son action héroïque au service de la France lui ont valu l'attribution de la Croix de la Légion d'Honneur, une rue de Saint-Amand-Montrond porte son nom et une plaque rappelle son sacrifice sur le mémorial de la France aux troupes américaines à Paris. Tous les ans, en juillet, une cérémonie est organisée au cimetière de Creuzier, en présence notamment de membres de l'Association France-Amérique et de l'American Legion.
Le commandant Aubrey demeure un exemple de dévouement et de courage, ses actions au sein de la Résistance et son sacrifice participent à l'héritage sacré que nous ont légué ceux qui se sont levés contre la barbarie nazie.
Henri Diot.
Sources:
Blog de Jean François Janot
Article de Ed Canady, de l'American Legion.
« La Répression en France à l'été 1944 », actes du colloque organisé par la FMD et la ville de Saint-Amand-Montrond, le 8 juin 2005.
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