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Journée Nationale de la Résistance

LE MONTET, le lundi 27 mai 2019

Mesdames et Messieurs les élus, représentants des organisations, Mesdames et Messieurs,

La Journée Nationale de la Résistance nous réunit ce soir au pied du Monument aux Morts pour un temps de commémoration et de recueillement.

Merci à vous d'avoir répondu à notre invitation.

Sans vouloir vous infliger un trop long discours, il me semble important de partager avec vous quelques éléments d'histoire qui ont jalonné notre passé et dont la bonne appréhension peut sans doute instruire la compréhension du présent ou éclairer l'avenir.

Une guerre qui venait de loin

Hitler avait écrit   Mein Kampf depuis près de 20 ans…

La guerre d'Espagne avait sacrifié sa République dans le galop d'essai des nazis et fascistes réunis…

Munich avait signé une faillite politique franco-britannique confondante d'aveuglement face à Hitler et Mussolini…

Le 3 septembre 1939 la déclaration de guerre enclenche un processus déjà préprogrammé dans la politique expansionniste de l'Allemagne nazie et de ses alliés fascistes.

Ce qui va devenir la Résistance est déjà aussi présent dans les consciences de celles et de ceux qui, en France comme ailleurs en Europe, s'élèvent depuis des années contre le danger d'une extrême droite menaçante pour les libertés. Dans la France de l'entre-deux guerres la collaboration avec l'Allemagne des grands maîtres de l'industrie ne prenait pas même la précaution de se cacher derrière des sociétés écrans en Suisse ou aux Pays-Bas ; elle s'accompagnait d'une lutte acharnée contre les avancées sociales arrachées par le Front Populaire, congés payés, semaine de 40 heures…

Quand dans les usines, le patronat favorisait la création des groupuscules fascistes de Doriot il ne manquait pas d'accentuer la répression syndicale. Les racines de la Résistance étaient dès l'avant-guerre ancrée dans le monde ouvrier comme celles de la collaboration l'étaient chez les banquiers et les maîtres de forges.

Résistance & répression

Passée la phase initiale de la conquête et de l'installation occupante sur tous les fronts, la dynamique meurtrière de la répression de toutes les formes d'opposition fut enclenchée par l'Allemagne contre l'ennemi judéo bolchevique qu'elle voit partout, réel ou fantasmé.

De juin 1940 à l'été 1941, il y eut 50 fusillés après condamnations à mort…

Le 19 août, Samuel Tyszelman et Henri Gautherot, arrêtés à Paris lors d'une manifestation le 13 août, condamnés à mort le 18 août, furent exécutés à la Vallée aux Loups de Châtenay-Malabry.

Le 21, Pierre Georges - le futur Colonel Fabien - qui venait d'abattre l'aspirant de marine Moser à la station de métro Barbès-Rochechouart, déclara à ses amis : « Titi est vengé. ». C'était le premier attentat meurtrier contre les troupes allemandes. D'autres ont suivi.

Le 22 octobre 1941 : les 27 otages de Châteaubriant sont fusillés

Louis Babin est fusillé le 15 décembre 1941.

Les actions de résistance foisonnent, les organisations se cristallisent sur de multiples courants d'opinions d'origines divergentes, mais réunies sur l'objectif partagé de leur opposition à l'occupation nazie comme à la capitulation et à la collaboration pétainiste. Les résistances prospèrent, à l'intérieur comme à Londres ou en Algérie ; mais elles sont fragiles, à la merci de bien des dangers, sans beaucoup de moyens, dans l'inconfort de la clandestinité, et souvent signalées aux populations par la répression qui les frappe.

Pour symbolique que soit ce processus d'unification qui n'effacera jamais toutes les différences pas plus que toutes les brouilles partisanes, il est enclenché et produira ses effets. La complexité des enjeux et l'impérieuse nécessité de vaincre seront les deux garanties paradoxales de la réussite de l'opération lancée de Londres par de Gaulle qui missionne Jean MOULIN pour opérer l'unification de la Résistance.

Entre mai 1943 et mars 1944, sur le territoire français encore occupé, seize hommes appartenant à 6 partis politiques, 2 syndicats et 8 mouvements de résistance vont changer durablement le visage de la France. Dans la clandestinité et en pleine tourmente, ils vont rédiger le programme du Conseil National de la Résistance symboliquement intitulé : « Les jours heureux ».

Des Résistances à la Résistance

Les enjeux de l'unification sont principalement de deux ordres.

  • Le premier enjeu est d'abord extérieur et porte sur l'autorité et l'action du Général de Gaulle à la tête de la France Libre face à des alliés qui lui contestent la légitimité nationale et républicaine du Comité national français, organe dirigeant de la France Libre qu'il a fondé le 24 septembre 1941.
  • Le second est intérieur pour asseoir sa position dans la perspective de la Libération et du rétablissement de l'ordre démocratique préservant l'unité nationale, y compris dans la relation avec le Général Giraud qui impactait également la relation avec les alliés.

La mission confiée à Jean MOULIN relevait de l'exploit ; mais elle fut menée à bien au prix d'efforts considérables face à une répression acharnée (arrestation et mort de Jean MOULIN des suites de ses tortures, arrestations de Coquoin et Lévy, déportation de Simon et Bourdet). Le CNR ne s'est réuni que trois fois dans sa formation complète de 16 membres. Les participants attendus à la première réunion, le 27 mai 1943, au 48 rue du Four, furent conduits par Cordier, Meunier et Chambeyron, chacun de leur côté au nez et à la barbe des Allemands dans Paris occupé. La seconde eut lieu en novembre pour convenir de la constitution du bureau plus restreint et la 3ème au printemps 44 pour la validation du programme « Les jours heureux ». Entre temps, le bureau composé de Georges Bidault, Louis Saillant, Pascal Copeau, Maxime Blocq-Mascart et Pierre Villon se réunira plusieurs fois par semaine tout en gardant le contact avec les autres membres pour traiter de l'élaboration du programme qui sera adopté le 15 mars 1944.

Tout un programme

Dans sa première partie le programme du CNR convenait des mesures propres à assurer la victoire et la libération du pays, mobilisation et lutte armée contre l'occupant et l'Etat collaborationniste de Pétain.

Pour maintenant…

Le CNR exerce une influence déterminante sur l'histoire de la Résistance. il soutient le CFLN face aux alliés qui refusent de le reconnaître comme gouvernement légitime et face à Vichy ; il se fait aussi le porte-parole de la Résistance intérieure auprès du CFLN, car les consignes venues de Londres ou Alger montrent parfois une méconnaissance de la réalité en France. Le Conseil lance des mots d'ordre, répercutés par les organisations de Résistance : manifestations patriotiques, lutte contre le STO, développement de la lutte contre l'occupant et l'installation des autorités nouvelles sous les auspices des Comités de Libération.

Pour demain…

Le « bras de fer » avec les alliés est permanent ! Le 6 juin 1944, le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) n'est pas associé aux opérations militaires du débarquement et le général Eisenhower s'adresse aux Français sans le mentionner ; les Résistants, par la voix du CNR et des CDL, émettent une vigoureuse protestation. Le Conseil, le 18 juin 1944, après avoir consulté tous ses membres, lance un appel général à l'insurrection.

Le CNR s'était bel et bien imposé aux alliés comme précurseur d'une reconquête de l'indépendance nationale à la libération que la signature de l'accord franco-soviétique par De Gaulle confortera le 10 décembre 1944. La France venait d'échapper au protectorat américain sous l'autorité de l'AMGOT.

… & pour après-demain !

La seconde partie visait l'après-guerre et le rétablissement de l'ordre républicain dans ses trois grandes dimensions, politique, économique et sociale.

Ce programme est encore au cœur du système social français puisqu'il a donné naissance à la sécurité sociale, aux retraites par répartition, aux comités d'entreprises, etc.

En outre, la rédaction par le CNR de son programme, adopté à l'unanimité des membres le 15 mars 1944 a préparé les voies d'une rénovation démocratique dans le pays. Ce programme, également appelé "Les jours heureux", a inspiré les grandes réformes de la Libération : nationalisation des grands moyens de production, planification, comités d'entreprise, statut du fermage et du métayage, sécurité sociale.

Pour en citer quelques-unes :

  • Réforme de la Fonction publique ; création de l'ENA (juin 1945)
  • Premières ordonnances sur la Sécurité Sociale (octobre 1945)
  • Nationalisation de la Banque de France et des grandes banques de crédit (décembre 1945)
  • Nationalisation du gaz et de l'électricité
  • Nationalisation des grandes compagnies d'assurances (avril 1946)
  • Loi sur les Comités d'entreprises (mai 1946)
  • Nationalisation de toutes les Houillères création des Charbonnages de France (mai 1946)
  • Loi sur les prestations familiales (août 1946)
  • Loi sur les assurances vieillesse (septembre 1946)
  • Statut de la Fonction Publique (octobre 1946). 

Sans compter un réajustement important des salaires, le rétablissement d'un syndicalisme indépendant… Pour ce qui est du droit de vote et d'éligibilité des femmes, il ne ressortira pas des propositions du CNR, mais du travail du Comité français de la Libération nationale et de l'Assemblée consultative provisoire d'Alger, en mars 1944 et officialisé avec l'ordonnance du 21 avril 1944 qui régit le fonctionnement du Gouvernement provisoire de la République française.

C'était hier

Les années ont passé, les acteurs de la Résistance ne sont plus légion pour témoigner, l'histoire lisse et simplifie l'écriture d'un roman national trop souvent lacunaire… Si la société se doit d'assumer son devoir d'histoire pour tisser le lien de ses générations, seul l'engagement militant sauvera le droit à la mémoire des valeurs et de l'engagement de celles et ceux qui les ont portés. La mémoire de la Résistance est fragile, elle a besoin de vous, de nous, de tous ceux qui sont attachés aux valeurs qui l'animèrent pour la Paix, la Justice, la Liberté, « Les Jours Heureux » de l'humanité.

Il aura fallu des décennies pour que la « Journée Nationale de la Résistance » soit inscrite à l'agenda commémoratif de la République. La loi du 19 juillet 2013 l'institue après plus de trente années de mobilisation de notre association, l'ANACR.

Certes le CNR n'avait pas survécu à la Libération et aux joutes politiques qui ont animé les compétitions électorales du retour à la vie démocratique du pays. Et son programme, moteur de la vie politique jusqu'en 1946 n'aura de cesse depuis de voir ses avancées politiques, économiques et sociales contestées, tout particulièrement dans les dernières décennies.

C'est un peu comme si la République rechignait d'autant plus à se souvenir de sa résurrection et de ceux qui l'ont portée qu'elle voit de plus en plus roder l'ombre de ses fossoyeurs d'antan sans trop s'en inquiéter, voire même en les choyant….

C'est sans grande originalité que j'emprunte ma conclusion à Bertholt BRECHT :

« Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde. »

Raison de plus aujourd'hui pour que nous nous appliquions à préserver la mémoire de la Résistance, à en faire un rempart de mémoire vive face aux orientations mortifères données à la France et l'Europe hier soir comme en trop d'endroits du monde depuis quelques temps.

Merci de votre attention.

 

Pour le Comité local de l'ANACR Meillard-Le Montet

Le président :

Daniel LEVIEUX