La guerre qui s'achevait le 8 mai 1945 avait ravagé le Continent et y avait fait plusieurs dizaines de millions de morts, non seulement du fait des opérations militaires, qui souvent sciemment n'épargnèrent pas les populations civiles, mais aussi conséquence de politiques génocidaires dont les camps de concentration nazis venant d'être libérés avaient tragiquement révélé l'ampleur et la barbarie.
Cette victoire sur le nazisme que concrétisaient la prise de Berlin par l'Armée rouge et la capitulation nazie signée le 7 mai à Reims puis le lendemain 8 mai à Berlin avait certes été celle des armées soviétique, américaine et britannique auxquelles s'étaient jointes dès le début de la guerre les Forces Françaises Libres et, en 1944, la libération de la France quasi-achevée, la 1ère Armée française, aux côtés de forces canadiennes, polonaises, belges, néerlandaises, norvégiennes, yougoslaves…
Elle était aussi la victoire des peuples qui refusèrent l'asservissement et au sein desquels – jusques et y compris dans les pays fascistes – prirent naissance et se développèrent des mouvements de Résistance, luttant pour la libération de leurs patries, pour la liberté, pour le respect de la dignité humaine, de la vie humaine.
Dans notre pays, la France, un régime félon installé par Pétain allait se mettre aux ordres de l'occupant dans la mise en œuvre d'une répression contre les démocrates, les patriotes qui, par milliers et milliers furent fusillés, par milliers et milliers massacrés, par dizaines de milliers déportés dans les camps de concentration, ainsi que dans celle des persécutions raciales qui aboutirent à la déportation de plus de 70 000 hommes, femmes et enfants vers les camps de la mort ; d'où bien peu revinrent.
Mais, dès l'été 1940, à l'extérieur du pays, l'Appel du général de Gaulle lancé depuis Londres le 18 juin allait rassembler autour de lui les premiers Français libres, tandis que sur le sol national occupé, des femmes et des hommes allaient refuser la capitulation, l'occupation, l'assassinat de la République et la suppression des libertés, affirmer leur volonté de poursuivre le combat.
C'est ainsi que naquirent et se développèrent dans les conditions différentes de la France divisée en deux zones – occupée et non-occupée - les premiers groupes, réseaux et mouvements de Résistance. Ils s'appelleront «Combat», «Libération-Sud», «Franc-Tireur», «Organisation Civile et Militaire», «Libération Nord», «Ceux de la Résistance, «Front national de Lutte pour la Libération de la France», «Ceux de la Libération», qui seront à sa création membres du Conseil National de la Résistance (CNR), «Lorraine », «La Voix du Nord»…, que parurent ou reparurent dans la clandestinité des journaux - parfois homonymes de mouvements - tels «Libération», «Combat» ou «Franc-Tireur», mais aussi «Défense de la France», «l'Humanité», «Témoignage Chrétien», «le Populaire»…
 Le 21 août 1941, en abattant lui-même au métro Barbès à Paris, un officier de la Kriegsmarine, Pierre Georges, le futur «colonel Fabien», Commissaire militaire de l'Organisation Spéciale du Parti Communiste clandestin, initie la lutte armée contre l'occupant, qui vient s'ajouter aux activités de renseignement et à la propagande clandestine.
Cette multiplicité de structures et formes d'action de la Résistance intérieure, la nécessité de sa liaison avec le combat de la France Libre pour assurer la permanence de la présence de notre pays aux côtés des Alliés, vont conduire Jean Moulin, le Préfet républicain de Chartres, révoqué le 2 novembre 1940 par l'administration pétainiste, à s'atteler à cette tâche de rassemblement des forces de la Résistance, en les plaçant aussi sous l'autorité du Comité National Français présidé par le général de Gaulle.
Après des mois et des mois d'efforts pour surmonter des difficultés de tous ordres, la réunion constitutive du Conseil National de la Résistance se tint à Paris le 27 mai 1943, 48 rue du Four. Elle rassembla, sous la Présidence de Jean Moulin, les 8 principaux mouvements de Résistance, 6 partis clandestins (communiste, socialiste, radical, démocrates-chrétiens, Fédération républicaine et Alliance démocratique) et les deux centrales syndicales CGT et CFTC.
Cette création du Conseil National de la Résistance, reconnaissant l'autorité du Général de Gaulle, allait renforcer la légitimité du Chef de la France libre auprès des Alliés, «j'en fus à l'instant plus fort» dira-t-il. Elle allait permettre d'unifier toutes les forces de la Résistance, la mise en place dès la fin 1943 des Comités locaux et départementaux de la Libération, la création début 1944 des Forces Françaises de l'Intérieur (FFI), la publication le 15 mars 1944 du Programme du CNR, dont les avancées découlant de sa mise en œuvre à la Libération sont encore pour nombre d'entre elles présentes dans notre vie démocratique et sociale
C'est pourquoi cette date du 27 mai a été retenue pour en faire la «Journée Nationale de la Résistance», dont – après plus de vingt ans de lutte pour l'obtenir – l'instauration en 2013 a inscrit dans le calendrier mémoriel de la Nation le rôle de la Résistance dans la libération de la France, la mémoire du combat et du sacrifice des Résistantes et des Résistants.
Rappeler, ce 27 mai, plus particulièrement dans les établissements scolaires, les valeurs humanistes, démocratiques et patriotiques qui inspirèrent le combat de la Résistance s'inscrit dans le devoir de mémoire à l'égard de ceux qui ont combattu et souvent sont tombés pour la Liberté,
C'est aussi répondre au besoin de mémoire de ce que furent les drames et les luttes du passé, dans un monde qui connaît toujours les guerres, le racisme sous toutes ses formes, la xénophobie, les atteintes aux libertés et à la dignité humaine, la torture, la résurgence du fascisme, contre lequel il faut poursuivre le combat que menèrent les Résistants.
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Louis CORTOT
Compagnon de la Libération
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