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Au petit matin du mardi 18 juillet 1944, les forces de Pétain se lancent à l'assaut, et Villars brûle.

Jean VILLATTE s'en souvient et il raconte :

« J'avais vingt ans, et je n'avais qu'une idée en tête, chasser les allemands de France et châtier la milice et ses sbires qui, ensemble, infligeaient des violences sans nom à notre peuple.

Avec mes parents, j'habitais dans une ferme à Theneuille, quand, à l'automne 1943, je reçois la convocation pour aller faire mon temps de service aux Chantiers de Jeunesse.

A cette époque les jeunes redoutent les occasions de rassemblement, les pièges tendus susceptibles d'entrainer une rafle pour le STO (Service du Travail Obligatoire en Allemagne). Par patriotisme ou comme échappatoire, nombreux sont ceux qui fuient le règlement et prennent le risque d'aller se camoufler, souvent dans une ferme un peu à l'écart. C'est l'orientation que j'ai choisie, sur la commune de Theneuille, dans une ferme où le chef de famille était retenu prisonnier en Allemagne.

Bien sûr, en entrant dans la clandestinité il n'était plus question d'avoir une carte de ravitaillement réservée aux citoyens en situation régulière. Il faut apprendre à vivre caché, et le jeu reste dangereux.

C'est début juillet 1944 que je décide de rejoindre un groupe de résistants constitué et armé, en l'occurrence un groupe des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) campés à la ferme de Villars sur la commune de Noyant. Je fais cette démarche sans en informer mes parents.

Je suis à Villars avec une soixantaine d'autres résistants. Nous couchons dans la grange et les écuries. Au grenier et dans d'autres écuries nous gardons des prisonniers qui avaient été arrêtés pour avoir collaboré avec les allemands. Nuit et jour, chacun à notre tour, nous en assurons la garde de la même façon qu'aux postes de guet pour surveiller les abords. Entre temps, c'est la manœuvre et la familiarisation avec les armes qui nous sont allouées.

Par deux fois, la nuit avec des camarades, nous allons récupérer les armes qui nous arrivent d'Angleterre par parachutage ; c'est en direction du nord dans des endroits tenus secrets. Les containers sont bourrés de carabines automatiques, de mitraillettes et de leurs munitions.

Le temps libre est occupé à méditer et à écouter la radio qui nous apporte les nouvelles sur les événements de Normandie.

J'étais à Villars depuis une huitaine de jours seulement quand nos chefs et une grande partie des hommes, certains prisonniers, véhicules et matériels prennent la direction d'un autre cantonnement, tenu secret comme toujours.

Je reste à Villars avec six autres camarades. La nuit du 17 au 18 juillet, par un beau clair de lune, je suis de garde sur le palier de l'escalier du grenier. Remplacé par un camarade, je vais me coucher dans le foin. Je dors profondément depuis un bon moment quand je suis réveillé par des cris : « aux armes ! Aux armes ! »…

Mon cœur bat à tout rompre. Avec mes camarades, les armes  à la main, nous nous précipitons dehors. C'est à peine si le jour pointe suffisamment pour déceler des ombres humaines à une vingtaine de mètres, là-haut, vers l'entrée du champ. Du haut de l'escalier du grenier où il gardait les prisonniers, Gomez ajuste et tire ; une ombre s'écroule, c'est un milicien mortellement blessé.

Des secondes interminables s'écoulent. D'autres ombres surgissent de partout. De part et d'autre les coups de feu claquent. Surexcité comme les copains, je vide chargeurs et cartouchière en direction de ces formes humaines qui engagent un certain recul. Nous sommes terrifiés à l'idée que nous ne restons qu'à sept combattants seulement pour faire face à cette troupe qui grossit… et nos munitions sont épuisées !

Ça crache de partout, plus d'autre solution que la retraite et la fuite. Nous dévalons entre la maison et le hangar dans une fuite éperdue. Par chance nous traversons sans dommage le chemin à découvert sous un rideau de feu particulièrement nourri, avant de nous retrouver mieux abrités en longeant la haie du pré. Dans notre fuite nous traversons haies et chemins conduisant à la ferme voisine. Essoufflés et affolés nous nous blottissons au creux de la haie en attendant de décider de la suite… La fusillade et l'assaut à la grenade contre la ferme continuent. Le temps passe et tout parait s'apaiser quand les flammes et la fumée s'élèvent au-dessus de Villars. Des bâtiments de la ferme sont incendiés par les assaillants.

Alors que l'aube pointe, déjouant l'encerclement de Villars par les Gardes Républicains et les Gardes Mobiles de Réserve, nous réussissons à nous éloigner vers des lieux plus sûrs en direction de l'ouest.

Etape par étape, tout le mardi 18 juillet et la nuit qui s'en suit nous marchons pour arriver vers Buxières les Mines. Toujours sous le choc, nous nous hasardons dans une ferme. A peine rassurés nous dévoilons notre situation et c'est bien heureux qu'enfin, après trente-six heures, nous trouvons de quoi manger. Après nous être remis nous allons retrouver nos premiers camarades qui avaient filé vers un autre campement avant ce 18 juillet. »

Pour Jean VILLATE comme pour ses camarades, l'épisode de Villars est terminé, et ils repartent continuer la lutte sur d'autres secteurs.

Nb : Parmi les compagnons d'armes que Jean Villatte avait rejoints à Villars, le Lieutenant Andrée –qu'il appelle aussi familièrement « La Grosse »-, n'était autre que Nancy WAKE, australienne agent du SOE parachutée dans l'Allier début 44.


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